Le contexte géopolitique récent ayant particulièrement impacté le prix de l’énergie et notamment du gaz, des répercussions sur le budget des entreprises et particuliers se sont fait sentir. En effet, des pics de prix du gaz ont été observés sur les marchés de gros atteignant 345€ du MWh soit plus de 10 fois le prix observé depuis 2014 en moyenne. Actuellement, une diminution des tarifs du gaz sur les marchés de gros pour avril 2024 est observée toutefois les factures gaz en France ne baissent pas pour autant en raison de l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN).
Dans ce contexte d’évolution constante du prix du gaz et face aux offres disponibles sur le marché quant à la fourniture de gaz naturel, cet article a pour but de donner les bases de compréhension de la gestion du gaz naturel en France de l’extraction à sa fourniture. Également cet article décrit la facturation du gaz et ce qui compose une facture, quelles sont les taxes, qui est rémunéré via la facture.
Le Gaz Naturel de son extraction à sa fourniture
Le gaz naturel qu’il soit utilisé pour le chauffage, la cuisson ou l’eau chaude provient de gisement et est intégré à une longue chaine d’acteurs et opérateurs qui assure son acheminement jusqu’aux entreprises et ménages.
Exploration-Production
Le gaz naturel est issu de la transformation de matière organique dans des formations géologiques. Il s’agit d’un process naturel sur plusieurs millions d’années qui donne donc naissance à un gaz principalement constitué de méthane.
La production de gaz naturel se résume en deux étapes,
- Extraction dans les couches perméables du sol dans lequel il se trouve,
- Epuration permettant son transport et stockage,
Cette énergie étant jumelée au pétrole, son extraction suit le même protocole. L’étape d’épuration a également pour but de maximiser le pouvoir calorifique en y enlevant les sous-produits comme l’azote ou l’hélium qui ne sont pas combustibles. Certains composants extraits du même coup sont dits valorisables et peuvent ensuite être utilisés en pétrochimie.
On estime actuellement que plus de deux tiers des ressources en gaz naturel se trouvent en Russie et Moyen Orient. Synthétiquement voici les étapes et produits du gaz,
Transport et distribution
Transport
Le Gaz naturel étant naturel un gaz très peu dense, son transport ne peut donc pas être assuré aussi rapidement que pour l’électricité. Deux voies sont communéments employées, comme explicité plus avant, pour le transport du gaz, les gazoducs et les méthaniers.
La solution par gazoduc correspond au transport sur de longues distances du gaz naturel par compression de celui-ci, une compression pouvant être assurée tous 100 à 150 km. Le delta de pression entre un relais et le suivant fait donc progresser le gaz le long de la conduite. Plusieurs types de gazoduc existent selon qu’ils soient terrestres ou sous-marins. Pour les terrestres il peuvent être enfouis (à environ 1m dans les zones habitées) soit posés au sol en zone désertique. Les gazoducs sont classables en trois types,
- Collecte : conduit le gaz issu des gisements vers les sites de traitement,
- Transport : Le gaz haute pression est conduit vers des sites industriels ou en périphérie de zone urbaine
- Distribution : Le gaz basse pression est distribué aux consommateurs et petites industries. Ce rôle est assuré par GRDF notamment en France (acteur majoritaire sur le territoire).
La solution par voie maritime emploie de grands bateaux nommés méthaniers qui transportent le gaz sous forme liquéfié ou GNL (gaz naturel liquéfié) lorsque la construction de gazoduc n’est pas permise pour des raisons de distances/ topographie ou de contexte géopolitique. Si les deux tiers de des échanges de gaz se font via gazoducs, le reste est assuré par les méthaniers. Une fois au port les méthaniers déchargent le gaz dans des terminaux méthanier. En France il en existe quatre : Dunkerque, Montoir de Bretagne, et les deux de Fos sur Mer.
Une fois le gaz transporté, avant d’être injecté dans le réseau il est odorisé (mercaptan) pour des raisons de sécurité, en effet le gaz étant inodore naturellement.
Distribution
En France la distribution du gaz naturel est gérée par 26 gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) dont GRDF est le principal avec une couverture à hauteur de 95% du gaz distribué sur le territoire. Les sites sont classés entre T1 et T4 (des plus petits aux plus gros consommateurs respectivement) selon une évaluation faite via la CAR, la Consommation Annuelle de Référence du site.
Fourniture
Le gaz naturel a principalement deux fonctions, chauffage et cuisson. Quant aux professionnels l’ADEME considère que 50% des consommations au bureau sont liés au chauffage. Également depuis le 31 décembre 2020, le tarif réglementé de vente du gaz naturel (TRV) n’existe plus pour les professionnels. Ce tarif était, tout comme pour l’électricité, fixé par la commission de régulation de l’énergie (CRE) et qui était commercialisé uniquement par le fournisseur historique Engie (ex GDF-Suez) depuis 1999. Le tarif a été stoppé pour se conformer aux directives européennes et permettre un réelle concurrentialité du marché du gaz en France. Depuis 2023 le tarif n’est plus en vigueur non plus pour les particuliers.
Actuellement sur environ 4% du territoire, des ELD (entreprises locales de distribution) assurent la distribution et fourniture du gaz. Nous pouvons par exemple citer Gaz de Bordeaux ou Gaz et Electricité de Grenoble (GEG). Également des fournisseurs alternatifs existent aujourd’hui et créent la concurrence sur le marché du gaz en France.
Chose importante, il n’existe pas pour le gaz, le même principe de péréquation qui s’applique à l’électricité. En effet le cout du gaz n’est pas le même en fonction de l’éloignement d’un compteur au réseau. Plusieurs zones tarifaires existent en France, la zone 1 est la zone ou le kWh est le moins cher tandis que la zone 6 est la plus élevée.
Composition d'une facture
Après avoir décrit succinctement le fonctionnement du marché du gaz en France, de son exploration-production à sa fourniture il est intéressant de se focaliser sur les services facturés par les fournisseurs et que l’on retrouve dans sa facture. Une facture se compose de trois éléments, fourniture, acheminement et taxes tout comme la facture d’électricité on pourra retenir qu’en règle général la répartition est respectivement de 35% pour les deux premières puis de 30% pour les taxes.
La fourniture comprend l’achat de gaz au producteur, l’acheminement comprend les parts ATRT et ATRD donc les accès des tiers aux réseaux de transport et distribution du gaz naturel. Enfin les taxes se composent des CTA, TICGN et TVA.
Fourniture
Une facture intègre deux parties distinctes pour la fourniture, une fixe et une variable. La partie fixe correspond à l’abonnement, qui dépend notamment de l’usage visé, cette part fixe peut aussi être désignée par « Terme fixe », « Part Fixe » ou « TF » ; et la part variable qui dépend du volume d’énergie consommée sur la période facturée. Cette part variable peut être également désignée comme « TQ » ou « part/terme variable ».
Pour exemple voici le tarif repère de vente pour 2024 sur la zone GRDF édité par la CRE :
Acheminement
Comme explicité plus avant la partie acheminement du gaz naturel comporte deux pôles principaux, le transport et la distribution. Les acteurs étant décorrélés, la facture fait donc apparaitre deux champs associés,
L’Accès des tiers au réseau de transport (ATRT), finance l’utilisation l’entretien et la modernisation du réseau de transport de gaz. Ce réseau est opéré par GRTgaz et Teréga (anciennement TIGF implanté dans le quart sud-ouest de la France). L’ATRT est un tarif réglementé, qui comme pour le TURPE (Enedis) est fixé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) chaque année au 1er juillet. La part transport de la facture est intégré au transport, ces deux notions étant liées.
La part fixe de la distribution ou part fixe de l’Accès des Tiers au Réseau de Distribution (ATRD) quant à elle rémunère le gestionnaire du réseau de distribution GRDF ou entreprise locale de distribution (ELD).
La partie acheminement intègre donc différents couts, pour bien comprendre voici un schéma de principe des termes tarifaires sur le réseau et une description des différents couts observés dans la facture,
Ci-dessous une explication de chaque champ de facture lié à l’acheminement, il est à retenir que ceux-ci servent à rémunérer les acteurs de du transport et de la distribution de gaz naturel et que chaque terme correspond globalement à une portion de la chaine entre terminal méthanier et domicile / lieu d’activité du client. Pour davantage de détails sur les différents termes, la source (document GRTgaz) peut être consultée.
- Terme de capacité de sortie (TCS) : le TCS est le terme tarifaire du réseau principal vers le réseau régional, il permet de couvrir les couts d’entrée sur le réseau de transport de gaz naturel. Il marque donc, comme à un péage l’entrée sur le réseau principal de transport qui est celui de plus grande capacité. Ce réseau est composé de canalisations à haute pression et de grand diamètre, presque toujours supérieur ou égal à 600mm. Il relie les réseaux voisins, les stockages souterrains et le réseau régional.
- Terme de capacité de transport sur le réseau régional (TCR) : de la même manière que pour le TCS, le TCR rémunère l’opérateur responsable du transport du gaz naturel sur le réseau régional. Ce terme est calculé en fonction du niveau de sollicitation du compteur au réseau mais également en fonction de l’éloignement du compteur au réseau et donc selon le niveau de tarif régional (NTR) abordé plus haut.
- Terme de capacité de livraison (TCL) : ce terme est proportionnel à la capacité de livraison souscrite pour un compteur, Il est fixé par la CRE, en fonction du coût de l’acheminement du gaz à partir du réseau principal jusqu’au point de livraison considéré, hors raccordement. Ce terme caractérise la fin de la chaine du réseau de transport.
- Terme fixe de livraison (TFL) : il s’agit d’un terme annuel fixe qui est proportionnel au nombre de postes de livraison. Pour les points de livraison consommateur et pour les points d’interconnexion sur le réseau régional, ce terme est réparti au prorata de leurs souscriptions de capacité de livraison au cas où plusieurs expéditeurs alimentent simultanément le point de livraison. Tant que le poste de livraison est actif, le terme fixe de livraison est dû chaque mois, quel que soit le niveau de souscription annuelle (et donc même si cette dernière est nulle)
Taxes et contributions
Plusieurs taxes sont appliquées sur les factures des consommateurs de gaz en France. Ces couts sont les suivants
- Taxe intérieure de consommation du gaz naturel (TICGN) : La TICGN est régie par l’article 266 quinquies du code des douanes, en vigueur depuis 1986, elle encourage la réduction de consommation en gaz naturel afin de limiter la dépendance aux énergies fossiles. Collectée par les fournisseurs elle est ensuite reversée à la douane française. Cette taxe s’applique aux entreprises mais également les particuliers qui produisent ou importent du gaz naturel pour leur propre usage. Les anciennes taxes de « contribution au tarif spécial de solidarité gaz (CTSSG) » et « contribution au service public du gaz (CSPG) » ont été fondues pour créer la TICGN. Elle est passée de 8 ,37 €/MWh en 2023 à 16 ,37€/MWh e 2024 ; cette hausse s’explique du fait de plusieurs facteurs combinés comme la crise de l’énergie en 2018, le gel de la taxe en 2020 suite aux mouvements des gilets jaunes et la mise en place du bouclier tarifaire en 2023 qui ont donc finalement retardé la hausse de la TICGN.
- Contribution tarifaire d’acheminement (CTA) : La CTA est la Contribution Tarifaire d’Acheminement. Cette taxe est destinée au financement des retraites des employés des Industries électriques et gazières (IEG), il s’agit des agents de deux entités,
- EDF (Électricité de France),
- GDF (Gaz de France, aujourd’hui Engie),
Seuls les droits acquis avant le 1er janvier 2005 sont concernés. Cette taxe a été mise en place en 2004.
Toutes ces taxes sont majorées par la TVA. Si la TVA s’applique à hauteur de 5,5% sur la partie abonnement, elle s’applique à 20% sur la consommation et TICGN.
Comment agir pour diminuer sa facturede Gaz Naturel
Dans le contexte actuel en France, les prix de l’énergie s’envolent pour des motifs variés, contextes géopolitiques tendus, maintenance de réacteurs nucléaires, etc… Tout ceci pousse de nombreux particuliers et entreprises à tâcher d’agir pour réduire le montant de leur facture, voici quelques méthodes,
- Analyser ses consommations : Une analyse fine de ses consommations par usage (chauffage, éclairage, climatisation, …) peut permettre de déterminer les pôles les plus impactant dans la facture et ainsi envisager des actions (maintenance, travaux, …) visant à l’amélioration de sa performance énergétique. Également l’utilisation d’EMS (système de management de l’énergie) pour les entreprises, accompagne les études d’Energy management et l’identification des talons, part thermosensible ou autres caractéristiques d’un bâtiment.
- Benchmark fournisseurs et contrats : Depuis l’ouverture du marché à la concurrence un grand nombre d’offres sont désormais disponibles et il est rapidement possible, via des outils disponibles sur internet, de comparer les offres et opter pour la plus avantageuse. Plus encore que le fournisseur un choix doit être fait quand au type d’offre, gaz à prix fixe ou indexé, et quel index suivre, une analyse fine doit ici être conduite pour déterminer le contrat le plus avantageux.
- Exonération de la TICGN pour les pros : Les règles relatives à l’exonération de TIGCN sont définies dans l’article 266 quinquies du code des douanes. Ce dernier précise que des exonérations de TICGN ne sont possibles que si le gaz naturel est utilisé dans les cas suivants :
- gaz naturel utilisé pour un autre usage que combustible ;
- gaz naturel utilisé en double usage pour certains procédés métallurgiques, de réductions chimiques ou d’électrolyse ;
- gaz naturel utilisé dans la fabrication de produits énergétiques ;
- gaz naturel utilisé pour la production d’électricité ;
- gaz naturel utilisé pour les besoins de son extraction et de sa production ;
- gaz naturel utilisé pour le biométhane (injecté dans les réseaux de distribution).
Jusqu’au 1er avril 2014, le gaz naturel utilisé pour la consommation de particuliers était exonéré de TICGN. Aujourd’hui, toutes livraisons destinées à des particuliers, qu’il s’agisse de consommation individuelle ou collective, sont soumises à cette taxe.
Pour faire une demande d’exonération de TICGN, vous devrez adresser à votre fournisseur de gaz naturel et au service des douanes l’attestation Cerfa n°13714*04. Vous devrez également fournir chaque année un état récapitulatif de votre consommation de gaz naturel.
- Optimisation de la part acheminement : Pour les sites « gazo-intensifs » il est possible de disposer d’une réduction du tarif d’acheminement pouvant atteindre 90% du montant total. Les sites éligibles sont les sites dits « gazo-intensifs » qui consomment plus de 100 GWh par an et exercent leur activité dans un secteur largement sujet à la concurrence internationale (chimie, métallurgie, verre, textile, …). Également le rapport entre le volume de gaz naturel consommé et la valeur ajoutée doit dépasser les 4 kilowattheures par euro de valeur ajoutée.