« La nouvelle mondialisation, c’est partager » (1) Si l’économiste Jérémy Rifkin a théorisé sa vision du partage pour le domaine de l’énergie dans son ouvrage paru en 2012 (2), la notion d’ « Internet de l’énergie » n’a eu que peu de retentissement car la technologie n’était pas assez mature. Pourtant, Jérémy Rifkin a annoncé les prémices d’une révolution qui s’apprête à exploser dans les prochaines années, à l’instar de la révolution Internet. Mais à quoi correspond concrètement l’Internet de l’Énergie ? Quels seront les impacts sur les différents acteurs ?
Un peu d’histoire
L’Internet de l’énergie, appelé aussi Enernet ou IoE (Internet of Energy), correspond à la convergence la plus aboutie du numérique et de l’énergie. Ainsi, toutes les données d’énergie, qu’elles viennent des producteurs, des fournisseurs, des transporteurs des distributeurs, des services à l’énergie, sont aisément disponibles par tous les autres acteurs de l’énergie, dans des conditions permettant néanmoins la sécurité et la confidentialité.
L’Internet de l’énergie repense et réorganise profondément le secteur de l’énergie pour aboutir sur un modèle d’énergie décentralisée, partagée mais surtout durable et économe. Chaque consommateur devient producteur (pour ses propres besoins), mais aussi fournisseur (pour échanger ou vendre aux autres son surplus).
Cette notion d’Internet de l’énergie ne date pourtant pas d’hier. Elle a été théorisée par Robert Metcalfe, le créateur d’Ethernet, dans les années 2008-2010. Pour lui, les trois grandes nouvelles révolutions seraient l’énergie, l’éducation et la santé. L’Internet de l’Énergie a toutefois été popularisé quelques années plus tard, par Jérémy Rifkin et Joël de Rosnay.
S’il est tombé en désuétude, l’internet de l’énergie revient au centre des préoccupations des acteurs de l’énergie depuis quelques mois. André Joffre, dirigeant emblématique de TECSOL, plus gros bureau d’étude français indépendant spécialisé dans le solaire, a cité début 2017 l’IoE comme vecteur de développement de leur stratégie de déploiement d’énergies renouvelables.
Une des priorités annoncées par Gartner
Début 2018, Gartner, référence mondiale sur le marché des tendances de fond dans l’univers technologique, place l’Internet de l’énergie au cœur des stratégies énergétiques des différents pays. Il repose sur quatre piliers, les quatre « D » :
- Décarbonisation : il faut multiplier les petites centrales de production et les interconnecter entre elles pour remplacer les grosses unités de production d’énergie, et ce, en intégrant massivement des énergies renouvelables.
- Digitalisation : les smart grids vont jouer un rôle essentiel dans la mise en place de ce nouveau paradigme. Ces smarts grids s’opposent aux gros réseaux centralisés qui ne permettent de faire circuler l’énergie majoritairement que dans un sens. Les smarts grids quant à eux permettent de faire circuler l’énergie dans n’importe quel sens en permettant à chaque acteur d’ajuster en temps réel la production à la consommation, redistribuer le surplus, interconnecter des smarts grids de toutes tailles, par exemple d’un ensemble d’immeubles à un quartier, une ville un département ou un réseau national.
- Décentralisation : ces réseaux sont multipliés de manière locale et à toutes les échelles du territoire.
- Démocratisation : le consom’acteur devient un acteur à part entière de ces nouveaux réseaux et ne se contente plus de consommer. Il veut non seulement contrôler sa consommation mais également investir, produire, se connecter ou pas à un réseau, revendre son surplus de production ou ses engagement de consommation.
Les plateformes Big Data deviennent alors des acteurs centraux et cruciaux pour fluidifier les échanges des données et permettre toutes ces actions.
Les enjeux de l’Internet de l’énergie
Pour que la révolution de l’internet de l’énergie puisse avoir lieu, l’enjeu principal est l’échange des données. Connaître les données précises de production et de consommation ainsi que leur structure (qui produit ? Qui consomme ? Comment ? Combien ? Quand ? Quelle prévision ?). Aujourd’hui, toutes ces données sont hétérogènes du fait qu’elles ont toutes leur propre architecture. À cela s’ajoute le fait que chaque acteur silote ses données (plusieurs silos par acteur). Il est donc difficile de faire communiquer toutes ces données entre elles.
Notre plateforme Energisme, bâtie dès sa création dans cet objectif, est la seule qui puisse connecter toutes les données d’énergie et les redistribuer en fonction des besoins.
Avoir une seule plateforme qui centralise les données permet une interaction en temps réel entre tous les acteurs de l’énergie. Chaque partie prenante y trouve son intérêt. Par exemple, les fournisseurs partagent leurs données dans les smart grids, ce qui favorise la flexibilité et permet une meilleure redistribution. Les consommations d’énergie sont donc mieux réparties, à un niveau local ce qui évite la production d’énergie fatale, c’est-à-dire l’énergie produite mais non consommée, véritable fléau des énergies renouvelables.
Les freins qui restent à lever au déploiement de l’Internet de l’énergie
Pour mettre en place un véritable réseau, certains freins doivent toutefois être levés. Tout d’abord, les données sont totalement hétérogènes, et, comme nous l’avons vu précédemment, sont encore trop souvent segmentées en silos. Pour qu’elles puissent être requêtables puis exploitables, il est nécessaire de les anonymiser et de les mettre en open data. Ensuite, le deuxième frein a trait à la densité des réseaux physiques. En France, notre réseau électrique date de l’époque des centrales nucléaires et ne fonctionne en majorité que de manière descendante. Pour que l’Internet de l’énergie puisse être rapidement déployé, notre réseau doit accélérer son évolution en petites unités de production locales, qui fonctionnent à la fois dans le sens descendant et ascendant, à l’image de nos voisins allemands et nordiques. Il reste donc encore quelques étapes à franchir avant d’arriver à une énergie décentralisée, partagée, durable et économe mais la révolution est déjà là. La France doit devenir un modèle sur ce sujet. Nous avons aujourd’hui les technologies adéquates, les acteurs impliqués, les moyens et les talents. Nous pouvons créer une excellence Française sur ce domaine.
Il ne nous manque qu’une volonté commune et une réglementation adéquate.
(2) « La troisième révolution industrielle, comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde » Paris, Les Liens qui Libèrent, 2012.