Flexibilité, effacement, agrégateur, garantie de capacité, … de nouvelles notions sont apparues ces dernières années concernant les mécanismes d’effacement et déplacement de la consommation électrique d’un particulier et des entreprises.
Ces notions parfois complexes interviennent désormais jusque dans les factures d’énergie des Français ; cet article vise à les définir et mettre en lumière l’opportunité que constitue la flexibilité pour l’atteinte des objectifs de sobriété en France imposés notamment par l’accord de Paris.
Qu’est-ce que la flexibilité ?
Définition
Si l’on s’intéresse à la définition de la flexibilité de consommation électrique, il s’agit de l’interruption (effacement) ou le déplacement (report) sur une période ultérieure de la consommation électrique d’un particulier ou entreprise sur base d’une sollicitation. Cette sollicitation peut provenir du fournisseur d’énergie directement ou d’un agrégateur. Il est déjà important de comprendre ici que la flexibilité n’implique pas uniquement l’effacement de consommation, le report peut aussi être utilisé, en ce sens la flexibilité correspond à la correction de consommation à la hausse ou à la baisse.
Exemple de flexibilité par suite du déclenchement d’un signal d’activation par un agrégateur
Source : RTE (Valoriser vos flexibilités – RTE Portail Services (services-rte.com)
En ce sens un industriel par exemple peut être incité à interrompre ou reporter ses activités de production un jour de tension sur le réseau.
Pourquoi a-t 'on besoin de flexibilité ?
L’effacement peut être souhaité lorsque des tensions sur le réseau électrique sont observés ; ceci se produit majoritairement durant les périodes hivernales du fait de l’emploi massif du chauffage notamment ou lorsque des moyens de productions d’énergie comme des centrales nucléaires sont en maintenance. En effet, un réacteur nucléaire à 40 ans d’exploitation devant lui et en France 37 ont été mis en service entre 1976 et 1985, arrivant au terme de leur exploitation, soit 66% du parc nucléaire français. Si la France a décidé d’étendre la durée de vie de plusieurs à 50 années d’exploitation il est toutefois nécessaire d’effectuer des opérations de maintenance pour lutter, notamment, contre la corrosion. Le nucléaire représentant environ 70% de l’électricité consommé sur le réseau, ces circonstances couplées aux réchauffement climatique expliquent la nécessité d’effacement sur le réseau lors des derniers hivers.
Les jours PP1 & PP2
L’effacement n’est pas nécessaire tous les jours à heure fixes, même si l’on peut voir des tendances, en effet les habitudes des Français font que de 6h à 9h et de 18h à 21h, la tension est plus forte sur le réseau, notamment en hiver (pointe hivernale). Toutefois certains jours sont plus susceptibles que d’autres de solliciter le réseau, 50% sont observés en Janvier, il s’agit des PP1 et PP2, ou PP désigne ”période de pointe”, autrement dit des pics de consommation.
- Jour PP1 : Ces jours sont déterminés sur base de prévision de la consommation en France. Le nombre de PP1, calculé par RTE, constitue la base de référence d’établissement de l’obligation de capacité de chaque fournisseur ; ici donc l’obligation désigne la puissance à fournir pour garantir une absence de coupure d’électricité aux clients .
- Jours PP2 : Ces jours correspondent à des jours de tension sur le réseau d’électricité. Les jours PP2 peuvent également être des jours PP1 mais ce n’est pas toujours le cas. Dans le cadre de ces jours PP2 les capacités de production ou d’effacement évalués par RTE dans le cadre du mécanisme de capacité, sont attendues comme disponibles afin de stabiliser l’approvisionnement. Les capacités certifiées, lorsqu’elles sont rendues disponibles sont rémunérées. Autrement dit la flexibilité permet une rétribution des acteurs qui y participent.
La différence entre PP1 et PP2 est donc que des jours sont prévus ce sont les PP1 et quant aux PP2, ils sont décidés en fonctions des circonstances climatiques notamment qui entrainent ponctuellement une hausse des besoins en électricité sur le territoire.
La flexibilité est donc un mécanisme qui permet de stabiliser l’état de tension sur le réseau et qui vise à empêcher les surproductions d’énergie et blackout. Des jours spécifiques dans l’année, les PP1 et PP2, existent pour lesquels des efforts sont demandés à des acteurs particuliers et privés. Ce mécanisme, outre son potentiel d’économie d’énergie et de stabilité constitue une opportunité financière pour les acteurs qui y participent.
Mécanisme de capacité
Au cœur du principe de flexibilité se trouve une notion clé, le mécanisme de capacité. Ce mécanisme a été mis en place en 2017 et est piloté par RTE, le gestionnaire de réseau de transport d’électricité. Celui-ci contribue à maintenir l’acheminement d’électricité notamment lors des périodes de tension sur le réseau, en hiver par exemple lorsque les températures sont très basses et que les Français utilisent massivement le chauffage.
Gouvernance et production énergétique
Avant 2017, lors des épisodes hivernaux ou les températures étaient extrêmes basses, des centrales de production d’électricité dites “d’extrêmes pointes” étaient misent en marche afin de garantir une production suffisante au passage de la tension sur le réseau. Ces centrales, indispensables dans les situations de grandes tensions, ne parvenaient pas par ailleurs à rentrer dans leurs couts en raison d’une exploitation trop faible dans l’année. Durant les dernières décennies plusieurs centrales (au gaz) ont été en situation financière délicate pour ces raisons tandis qu’elles étaient indispensables dans les cas “d’extrêmes pointes”.
Dans le même temps le gouvernement a pris la décision de se défaire des centrales à gaz, charbon ou fioul dont la production d’électricité est plus carbonée que le nucléaire ou l’éolien par exemple. Cette décision a donc poussé à la création de nouvelles méthodes de production et a incité à avoir recourt a davantage de flexibilité et plus spécifiquement d’effacement pour garantir un équilibre du réseau en France en toutes circonstances. Ainsi le mécanisme de capacité a vu le jour, couplant obligation de capacité et marché de la capacité. C’est également à cette époque que les consommateurs ont pu voir apparaitre une ligne supplémentaire sur leurs factures d’électricité, correspondant à ce même mécanisme. On peut donc déjà voir ici que le besoin de stabilité est motivé non pas uniquement par la maintenance des équipements de production d’électricité en France et leur dimensionnement (puissance) mais également par la volonté de tendre vers un modèle plus vertueux ou l’énergie produite sur le territoire serait de plus en plus “verte”.
Le Mécanisme
Toutefois il faut désormais se demander comment fonctionne ce mécanisme. Deux principaux acteurs existent, les fournisseurs et les responsables de certifications. Ces deux acteurs sont présents sur le marché de la capacité et s’échangent des garanties ou certificats de capacité soit sur le marché de gré à gré soit aux enchères. En ce sens les fournisseurs sont, chaque année, obligés de démontrer qu’ils sont en mesure d’assurer la fourniture d’électricité à leurs clients (sécurité d’approvisionnement) lors des jours PP1 et PP2 cités plus haut. Cette obligation est calculée via la puissance horaire de consommation de chacun de leurs clients lors des jours PP1. Sur base de ce calcul ils achètent donc des garanties de capacité aux responsables de certifications qui peuvent être producteurs, exploitants de stockages ou opérateurs d’effacement. Ces capacités sont délivrées aux responsables de certification par RTE sur preuve de leur aptitude à se montrer disponible ou s’effacer du réseau lors des jours de tension PP2.
Grâce à ce mécanisme RTE s’assure que lors des jours PP1 et PP2, la demande en électricité sera couverte par des moyens de productions suffisants.
Gains potentiels
Si comme cité précédemment la flexibilité correspond à l’effacement ou au report de consommation il est logique de penser que la rémunération de celle-ci n’est envisageable que pour des bâtiments et installations peu performants. La mise en place du mécanisme de capacité touche tous les consommateurs en france (particuliers, industriels, …). Pour rappel, la flexibilité peut être rémunéré directement par le fournisseur via des contrats comme Tempo ou Flexible chez EDF ou bien via un agrégateur qui indique les périodes où cibler les efforts ; la valorisation financière de l’effort est ensuite partagée entre celui-ci même et le client. Cette rétribution potentielle lors des périodes tendues peut donc permettre de compenser la part obligation de capacité sur la facture du consommateur.
Toutefois comme cité précédemment l’intuition peut faire dire qu’un bâtiment performant sera peu flexible, toutefois une étude de l’IFPEB (L’Institut Français pour la performance du bâtiment) commandité par le les membres du comité de pilotage du programme ACTEE
(l’Action des Collectivités Territoriales pour l’Efficacité Energétique) explicite que performance bâtimentaire et flexibilité ne sont pas incompatibles. Dans ce rapport (accessibles ici Brief Filière (ifpeb.fr)), écrit au moyen d’enquête terrain, d’une approche théorique et de simulations, plusieurs enseignements ressortent Sources énergétiques
la flexibilité énergétique n’est pas liée qu’à l’interruption ou au décalage de consommations électrique, elle peut résulter de l’exploitation de l’inertie thermique d’un bâtiment (intrinsèque ou via stockage dans la structure) ou sur des systèmes dédiés (ballons de stockage d’eau chaude, d’eau glacée ou de glace, stockage géothermique…). Le coupable électrique / thermique peut aussi être employé en exploitant de manière rationnelle les installations comme une pompe à chaleur dont l’arrêt ou la mise en marche servirait à stocker de la chaleur dans un ballon pour l’employer ensuite dans les usages communs (chauffage, ECS, …) et donc limiter la conso d’électricité. Enfin l’exploitation de moyens de production couplés peut permettre cette flexibilité via par exemple l’utilisation de batteries afin de solliciter l’énergie photovoltaïque stockée lors de phase d’effacement du réseau électrique du bâtiments et de ses installations.
Sources énergétiques
la flexibilité énergétique n’est pas liée qu’à l’interruption ou au décalage de consommations électrique, elle peut résulter de l’exploitation de l’inertie thermique d’un bâtiment (intrinsèque ou via stockage dans la structure) ou sur des systèmes dédiés (ballons de stockage d’eau chaude, d’eau glacée ou de glace, stockage géothermique…). Le coupable électrique / thermique peut aussi être employé en exploitant de manière rationnelle les installations comme une pompe à chaleur dont l’arrêt ou la mise en marche servirait à stocker de la chaleur dans un ballon pour l’employer ensuite dans les usages communs (chauffage, ECS, …) et donc limiter la conso d’électricité. Enfin l’exploitation de moyens de production couplés peut permettre cette flexibilité via par exemple l’utilisation de batteries afin de solliciter l’énergie photovoltaïque stockée lors de phase d’effacement du réseau électrique du bâtiments et de ses installations.
Illustration d’inertie thermique d’une paroi intérieure de bâtiment a forte inertie
Potentiel énergétique tertiaire
Dans le tertiaire ce rapport rappelle que l’ADEME a déterminé un gisement de 1,5 à 2,5 GW dont les usages thermiques représentent 40%. En partant du principe que la consommation française tertiaire annuelle est d’environ 140 TWh, à exploitation constante du gisement à hauteur de 2GW on peut espérer économiser 17,532 TWh annuel soit près de 12,5% de la consommation française. Ce scénario est optimiste mais renseigne toutefois sur la pertinence d’exploitation du mécanisme comme vecteur d’économie énergétique.
Potentiel financer tertiaire
Les différents cas de figure explicités dans l’étude montrent un potentiel moyen de 8% (5 à 12%) d’économie sur la facture annuelle d’électricité en exploitant les mécanismes de flexibilités pour les acteurs tertiaires dans le cas d’un bâtiment peu performant.
L’étude montre donc que la maitrise de l’énergie (performance) et flexibilité sont compatibles sans nuisance quant au confort et que les gains peuvent se montrer assez important, 8% en moyenne sur la facture énergétique annuelle et que l’électricité seule ne doit pas être considéré quant aux sujets de flexibilité.
Il est également à noter que la flexibilité peut avoir pour objet de ne pas solliciter d’importation massive d’électricité fortement carboné ou la remise en fonctionnement de moyens de productions carbonés (centrale à charbon, gaz). En ce sens le bénéfice est aussi à prendre en compte dans la perspective de la durabilité et de l’atténuation des émissions de gaz à effets de serres.
Ouverture
Un texte récent, le décret BACS, oblige les gestionnaires de bâtiments dont la puissance en équipements installés dépasse les 290 kW à prévoir l’installation de Bacs ou gestion technique de bâtiments (GTB). Ceci va permettre une analyse plus fine encore des usages énergétiques et de la performance des équipements. Les Bacs, permettant également le pilotage à distance des installations, vont pouvoir accélérer la logique de flexibilité. En effet, les opérateurs qui le souhaitent auront désormais la possibilité de contrôler la mise en route ou l’arrêt d’installations à distance ou de manière automatisée afin d’optimiser au mieux leurs engagements de disponibilité capacitaire et se faisant de maximiser le gain financier associé. Les évolutions récentes de la législation française poussent donc toujours, directement ou non, vers plus de flexibilité de consommation énergétique.